RELIGIEUSES NDSC

Mère Marie-Anne

À 21 ans, Suzanne Cyr part de l’Académie Saint-Basile pour se joindre aux Sœurs de la Charité de l’Immaculée‑Conception (SCIC) de Saint-Jean. Comme postulante, elle prend le nom de Sœur Marie-Anne. Elle est envoyée au couvent de Memramcook. Là, on la fait travailler à la cuisine, étant donné son niveau de scolarité. Pour mieux maitriser le français, elle garde sa grammaire française à portée des yeux.

Lors de sa profession religieuse, on l’estime assez compétente pour lui confier l’enseignement du français. Pendant 18 ans, malgré la coexistence difficile entre sœurs irlandaises et acadiennes, elle travaille sans relâche à la cause du français. Pour éviter les retombées d’une francisation trop poussée à Memramcook, en 1908, on la transfère au couvent de Bouctouche. Sa santé en est affectée et on la rappelle à Saint-Jean.

En 1914, puisque les sœurs acadiennes maitrisent mal l’anglais, le projet d’un noviciat français commence à poindre. Elles écrivent à la supérieure générale lui réclamant de demander à Rome la formation d’une province de langue française au sein de la congrégation. La réponse disant que le temps n’était pas propice à cette demande parvient à Mgr Édouard LeBlanc, évêque de Saint-Jean. Ce premier refus n’ébranle pas Sr Marie-Anne.

En 1922, Mgr Arthur Melanson fonde à Campbellton une première communauté acadienne, les Filles de Marie-de-l’Assomption. Cette même année, à une retraite prêchée à des institutrices laïques à Bouctouche, le père Émile Ouellet leur dit : « Si vous voulez vous faire religieuses, c’est à Campbellton que vous devez aller. » Ces mots parviennent à Sr Marie-Anne. Craignant la fin de l’idée d’un noviciat français chez les Sœurs de la Charité, les sœurs Marie-Anne et Marie-Rosalie se rendent à Saint-Jean pour rencontrer la supérieure générale, Mère Alphonsus, et lui demandent un noviciat français. Elles reçoivent un « NON » catégorique suivi de :
« Si vous voulez absolument vous séparer, séparez-vous. » Elles se rendent chez Mgr Édouard LeBlanc lui rapportant la suggestion de mère Alphonsus. Il leur dit : « Mais alors, séparez-vous puisque votre supérieure vous le suggère. »

Mgr LeBlanc les encourage à écrire à Rome pour demander la séparation. Fortes de l’appui de l’évêque, elles donnent suite à sa suggestion, et les démarches de la nouvelle fondation se déroulent rapidement.

En mai 1923, Sr Marie-Anne, appuyée de Sr Marie-Julie commence à organiser la nouvelle communauté qu’on nomme les Religieuses de Notre-Dame-du-Sacré-Cœur, en l’honneur de la dévotion à Notre-Dame du Sacré-Cœur.

Le 8 février 1924, la réponse positive de Rome est envoyée à Mgr LeBlanc qui la communique à Sr Marie-Anne et aux 52 co-fondatrices, âgées de 21 à 79 ans. On fixe la date officielle de fondation au 17 février 1924. Dix religieuses acadiennes choisissent de rester avec les SCIC. Grâce aux fondatrices qui ont dû surmonter de multiples obstacles, nous célébrons le centenaire des NDSC cette année.

Sr Auréa Cormier, NDSC

80 ans plus tard, arrive le temps de la réconciliation

Assez curieusement, l’histoire des Religieuses de Notre-Dame-du-Sacré-Cœur commence par une séparation; un événement toujours synonyme de souffrances, de blessures à guérir. C’est ce qui s’est vécu en février 1924, lorsque parmi les 184 Sœurs de la Charité de l’Immaculée-Conception de Saint-Jean (SCIC), 53 rompent les liens et quittent la communauté pour fonder une congrégation autonome francophone; incompréhension pour certaines, trahison pour d’autres, déchirure profonde pour toutes.

Mais une fois la stupéfaction passée, les sœurs francophones se sont rappelé qu’on leur avait demandé de prier « pour la cause. » Est-ce qu’à leur insu, elles avaient soutenu les quelques sœurs qui avaient entrepris depuis quelques années déjà, dans le plus grand secret, des démarches auprès des autorités pour que les sœurs francophones aient leur juste place dans la Communauté? C’était cela… LA CAUSE?

Il a fallu bien du temps pour recréer des liens. La première rencontre formelle des deux communautés a lieu le 23 mars 2004 à la maison mère des SCIC à Saint-Jean, 80 ans plus tard! Synchronicité avec les sœurs fondatrices : nous sommes 53 sœurs NDSC à la rencontre de la réconciliation ! Ce jour-là, pour la première fois, l’histoire de la séparation telle qu’elle a été vécue par les sœurs francophones est racontée aux sœurs de la Charité de l’Immaculée-Conception. Cela apporte un éclairage sur des questions restées sans réponses et aide à guérir bien des blessures.

Sr Margaret Toner, ancienne supérieure générale, avait donné le ton en citant Isaïe : « Ne vous souvenez plus d’autrefois, ne songez plus au passé… Voici que je fais un monde nouveau : il germe, ne le voyez-vous pas? » Elle a poursuivi en disant : “Do we not need to reflect on our experiences if we are to recognise the newness of the present? Perhaps the keyword here is remember and how we remember; how we as God’s people have come to declare God’s praise because of them.”

Il y avait bien eu des communications sporadiques avant cette date, mais c’était la première fois que nous nous retrouvions comme deux congrégations distinctes, « une nouvelle branche sur un même tronc » avait dit Mère Marie-Dorothée. Il va sans dire que ce fût un grand moment dans l’histoire de nos communautés respectives. Cette journée a été « la célébration d’une réconciliation » longtemps désirée de part et d’autre.

Sr Murielle Duguay,
supérieure générale NDSC

Échange de cadeaux symboliques

Le 23 mars 2004, les NDSC offrent aux SCIC une horloge, symbole du temps qui apporte bien des grâces et qui guérit les blessures. Le temps que nos fondatrices sont chez les SCIC et le temps pendant lequel nous marcherons ensemble vers un but commun. Les SCIC offrent aux NDSC une plaque sur laquelle étaient gravés les noms des 53 religieuses qui les avaient quittées pour fonder la nouvelle congrégation. Cette plaque est accompagnée d’une lampe « dont la flamme rappelle la lumière qui continuera à être transmise à travers les siècles par les deux communautés » avait dit Sr Odette Léger, alors supérieure générale, à son homologue, Sr Sandra Barrett des SCIC.