Témoignage d’un pionnier de la première heure
par Michel Doucet, c.m, o.n.b., c.r./Q.C., o.f.a. Professeur émérite en droit
L’idée de créer une association regroupant les juristes d’expression française du Nouveau-Brunswick n’était pas nouvelle en 1987. Depuis la création de la Faculté de droit de l’Université de Moncton en 1979, l’idée a fait surface à plusieurs reprises, mais elle n’avait jamais été menée à terme. Jeune avocat et jeune professeur de droit, je ne pouvais pas concevoir qu’une telle association ne puisse pas exister dans la seule province officiellement bilingue au Canada, d’autant plus que j’avais été témoin à titre d’étudiant à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa de la création de l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario.
En collaboration avec certains collègues de la Faculté de droit de Moncton et avec l’appui de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, nous avons décidé d’organiser au printemps 1986 un colloque visant à créer une association des juristes. L’objectif était d’avoir une association qui regrouperait les juristes francophones du N.-B. et qui ferait avancer les dossiers des langues officielles au niveau judiciaire. Malheureusement, cette initiative n’a pas donné les résultats escomptés puisque l’idée a reçu des participants au colloque une réception assez tiède. Certains avocats, qui par la suite se rallieront à l’idée, se sont d’ailleurs catégoriquement opposés à la création d’une telle association qu’ils considéraient comme une tentative d’usurper le rôle du Barreau du N.-B.
Qu’à cela ne tienne, à la fin du colloque, j’ai demandé à la SANB de me donner le 1000 $ qu’elle avait reçu de Patrimoine canadien et me laisser préparer un document de réflexion que j’irai partager avec les avocats francophones aux quatre coins de la province. Ce 1000 $ sera vite épuisé et je devrai piger dans mes poches pour effectuer le mandat que j’avais entrepris. Cette démarche n’a pas non plus soulevé l’enthousiasme. Dans certaines régions, des bureaux d’avocats refusaient catégoriquement de participer aux rencontres.
Finalement, malgré une certaine opposition, l’AJEFNB verra le jour. Elle jouera par la suite un rôle de premier plan dans la défense et la promotion des langues officielles au N.-B. notamment en ce qui concerne le dossier de la révision de la Loi sur les langues officielles.
L’AJEFNB ne connaît peut-être pas le soutien auprès des juristes néo-brunswickois que l’AJEFO connaît en Ontario, mais elle aura contre vents et marées réussi à mener à bon port des dossiers importants pour la communauté acadienne de la province.
On ne peut que souhaiter plusieurs autres années de vie à l’AJEFNB!