Aquapêche novembre 2022

Photo prise au début de la saison alors que le travail était intense sur les quais. (Crédit photo : Julie D’Amour-Léger)

Par Bertin Couturier

Lorsque la pêche s’est amorcée ce printemps, on remarquait plein de sourires sur les visages lorsqu’on prenait une balade sur les quais de la région. Le contraire aurait été incompréhensible. Après tout, toutes les étoiles étaient bien alignées: augmentation du contingent (il est passé de 20 000 tonnes à 28 065 tonnes); levée des mesures sanitaires en raison de l’essoufflement de la COVID-19; un réel espoir que les crabiers reçoivent au moins le même prix qu’en 2021, (environ 9 $ et plus la livre, du jamais vu dans l’industrie et les portes du marché étaient grandes ouvertes pour les transformateurs.
En entrevue, le président de l’Association des crabiers acadiens (ACA), Joël Gionet affichait le même optimisme. Par rapport à l’augmentation du contingent, il n’était pas réellement surpris. « La ressource est vraiment en excellente santé; nous sommes dans un bon cycle pour les années à vie. » Il avait quand même émis des réserves à savoir si la hausse du contingent allait se traduire par des semaines de pêche additionnelles. « En 2021, avec 20,000 tonnes, on a eu environ cinq grosses semaines de pêche et deux plus petites à la fin. J’ignore si ça sera davantage cette année. Tout dépendra de nos amis les baleines; il ne faut pas oublier que nous devons accélérer la cadence pour éviter de nous retrouver au même moment que la présence des baleines et que des quadrilatères soient fermés. » M. Gionet avait vu juste, car la présence des baleines est venue compliquer la situation au fil des semaines.
En ce qui a trait au marché du crabe des neiges, le président de l’Association des transformateurs de crabe du Nouveau-Brunswick, Gilles Thériault avait rappelé que les États-Unis ont interdit l’importation de fruits de mer provenant de la Russie en réponse à l’invasion en Ukraine. « Ça représente environ 30% du marché, dit-il. Deuxième facteur : le gouvernement de l’Alaska a baissé le quota de 88 % afin de protéger les stocks de crabes des neiges dans cette région. Avec ces données, on peut penser que la demande pour le crabe canadien sera assez forte. »

La balloune s’est vite dégonflée

Au mois de juin, notre reportage était coiffé du titre suivant : pêche au crabe des neiges : bien en deçà des attentes! Invité à commenter le déroulement de la saison, le directeur général de la FRAPP, Jean Lanteigne a émis le commentaire suivant. « En lever de rideau, l’optimisme était au rendez-vous : les efforts hâtifs de déglaçage, le contingent à 28 065 tonnes, l’analyse des marchés, etc. Mais on a perdu nos illusions rapidement. Ce fut somme toute une saison bizarre. Le prix anticipé ne s’est jamais concrétisé, le crabe des neiges n’a pas circulé comme prévu aux États-Unis et les transformateurs se sont retrouvés avec un important inventaire sous les bras. Je m’explique mal, a-t-il confié, la résistance des consommateurs américains à acheter notre crabe. Peut-être qu’on a sous-évalué les difficultés économiques importantes du côté américain. Il faudra en discuter éventuellement avec les économistes. » Chose certaine, la timidité des marchés a eu un impact direct sur les employé-e-s d’usines qui ont vu leurs nombres d’heures de travail diminuer de semaine en semaine.

Puis, il y a eu les « fameuses » baleines

Pour ajouter au plat de résistance, la présence des baleines a vraiment compliqué la tâche des pêcheurs. « Vers la fin mai, on avait déjà identifié une cinquantaine de baleines dans le Golfe. Elles se retrouvent principalement dans la grande région de Gaspé et de Miscou et elles arrivent très tôt. » Vous aurez compris que cette situation a entraîné la fermetures d’un nombre considérable de quadrilatères, « ce qui complique la vie des pêcheurs qui ne cessent de déplacer leurs casiers. Beaucoup de temps de pêche sont perdus et ça cause un stress sur les épaules des pêcheurs. »

Revoir toute la question des fermetures de zones 

En septembre dernier, le DG de la FRAPP a admis que plusieurs enjeux sont assurément sur la table dans le domaine de la pêche semi-hauturière notamment en ce qui concerne la multiplication des fermeture des quadrilatères. M. Lanteigne estime que les acteurs de l’industrie ne peuvent demeurer les bras croisés. « On ne peut pas continuer à pratiquer la pêche de cette façon. Les multiples fermetures de zones pour protéger les baleines noires deviennent épouvantables à gérer pour nos pêcheurs en plus d’occasionner un surplus de travail éreintant pour les membres d’équipages. Nous devons nous asseoir à nouveau avec tous les intervenants concernés pour examiner en profondeur les mesures mises en place. On peut donc prévoir que le dossier des baleines fera l’objet d’intenses discussions cet hiver entre les associations de pêcheurs, les représentants du MPO et les autres intervenants concernés par la survie du mammifère. »