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Retour de la morue dans le golfe du Saint-Laurent: Ce n’est pas demain la veille!

Autrefois une espèce abondante dans les eaux du sud du golfe du Saint-Laurent, y compris au large de la Péninsule acadienne, la morue franche fait l’objet d’un moratoire depuis 2009. Douze ans plus tard, l’espèce peine à se rétablir. Dans un texte publié récemment dans l’Acadie Nouvelle, sous la plume du journaliste David Caron, on y apprend que la croissance de la population des phoques gris est vue comme étant l’une des principales causes, mais pas la seule. Il y a quelques années, Pêches et Océans Canada a même averti que le poisson pourrait disparaître entièrement du sud du golfe du Saint-Laurent d’ici 2050 en raison de la prédation par les phoques gris. Par contre, le phoque gris n’est pas responsable du déclin initial qui a mené à l’imposition d’un moratoire.

Pêche commerciale excessive

Cela est plutôt attribuable à une pêche commerciale excessive pendant plusieurs décennies. Plus de 100 000 tonnes de morue ont été pêchées dans le sud du golfe du Saint-Laurent en 1958, mais les stocks ont commencé à diminuer au milieu des années 1970. Au début de 2018, la biomasse du stock reproducteur était estimée à 13 900 tonnes, soit 4% des niveaux enregistrés dans les années 1980, et la diminution est constante depuis 1997.
« Les dernières évaluations prédisent un déclin continu de la population, malgré un moratoire et des activités de pêche qui sont à zéro. Le moratoire a été une réponse à une évaluation qui a déterminé que le niveau de la population du stock reproducteur était à un niveau tellement bas qu’elle ne pouvait plus soutenir une récolte durable », a indiqué Daniel Ricard, biologiste en évaluation des stocks chez Pêches et Océans Canada, région du Golfe.

Près d’un demi-million de phoques gris

Cette période de surpêche a aussi coïncidé avec des efforts de protection du phoque gris, dont la population était menacée. Dans les années 1970, il n’y avait que quelque 10 000 phoques gris en Atlantique. Aujourd’hui, la population du principal prédateur de la morue s’élève à près d’un demi-million. La plus grande colonie est située sur l’Île-de-Sable, au large de la Nouvelle-Écosse, mais de plus en plus de troupeaux s’installent dans le sud du golfe du Saint-Laurent.
« Selon nos estimations, c’est ce qui contraint le rétablissement de la morue dans le sud du golfe. Essentiellement, la prédation ne permet pas aux morues d’atteindre une taille assez grande. On voit amplement de petites morues jeunes, mais on voit moins de grosses morues qui atteignent l’âge de la reproduction. Plus un poisson est grand, plus il a un apport important à la reproduction, ses œufs ont plus de chances de survie et ainsi de suite. »

Le réchauffement climatique

Par contre, une nuance importante s’impose. Même si les phoques gris éliminent du jour au lendemain les morues franches de leur alimentation, le rétablissement des stocks n’est pas garanti en raison des changements climatiques et du réchauffement des eaux. Selon un rapport scientifique publié par Pêches et Océans Canada, les morues du sud du Golfe ne se nourrissent pas beaucoup durant l’hiver et, par conséquent, leurs réserves d’énergie s’épuisent durant cette période.