AQUAPÊCHES

Les crevettiers nagent en pleine incertitude !

C’est le cas de le dire, il y a de la houle en ce début de saison pour nos crevettiers. Ces derniers se posent une multitude de questions et l’inquiétude est palpable. (archives)
Par Bertin Couturier
S’il y a une flottille qui ne l’as pas eu facile au cours des deux dernières années, c’est bien les crevettiers. En 2020 et en 2021, en pleine pandémie, ils ont été les derniers à prendre le large après les crabiers et les homardiers. Les raisons évoquées: la précarité du marché pour la crevette nordique qui a occasionné un surplus des stocks dans les usines, les négociations ardues pour l’obtention d’un prix « jugé raisonnable » par les pêcheurs et la santé de la ressource qui suscitait bien des interrogations.
En 2021, rappelons-le, les crevettiers traditionnels de la Péninsule acadienne avaient pu commencer la pêche à tour de rôle, à compter du 6 juin. Au niveau des prix, au départ, les crevettiers ont reçu 1,48 $ la livre pour les grosses crevettes, 1,15 $ la livre pour les crevettes de taille moyenne et 0,96 $ pour les petites crevettes, soit les mêmes prix offerts par les usines de transformation du Québec. Faudra voir à quel niveau sera fixé les prix cette année.

À quoi faut-il s’attendre de la saison 2022? 

Voici ce qu’en pense la conseillère aux pêches à l’Association des crevettiers acadiens du Golfe, Éda Roussel. « Inutile de se mettre la tête dans le sable, l’avenir de la pêche à la crevette est une grande source d’inquiétude à la FRAPP et chez nos membres pêcheurs. La précarité de la ressource s’explique, selon moi, par deux facteurs bien précis: la montée fulgurante du sébaste qui est un prédateur féroce de notre crustacé et le réchauffement de l’eau. »
Mme Roussel ajoute que les projections des scientifiques au sujet des changements climatiques n’ont rien de rassurant et « nous donne même de grosses sueurs froides. Ils affirment que la situation n’ira pas en s’améliorant et même que le niveau d’hypoxie est fort inquiétant ».

Hausse des coûts d’exploitation

Déjà depuis deux ans, c’était loin d’être évident à ce niveau. Départ tardif (mois de juin), des prises à la fois encourageante et décevante (en montagnes russes) et le prix jugé en-deçà des attentes de la part des pêcheurs. Et voilà qu’une nouvelle brique vient de leur tomber sur la tête : la hausse vertigineuse du carburant.
« Comme vous le savez, nos crevettiers acadiens parcourent de longues distances pour se rendre sur les bancs de pêche à la crevette. La principale dépense demeure le carburant. Avec cette montée en flèche du prix, une nouvelle source d’inquiétude frappe les pêcheurs qui n’avaient vraiment pas besoin de cette mauvaise nouvelle. En ce moment, plusieurs interrogations nous trottent dans la tête: s’il y a une hausse du prix versé aux pêcheurs, est-ce que cette hausse sera suffisante pour compenser les dépenses de carburant et combien longtemps pourront-ils résister? Actuellement, la rentabilité des entreprises de pêche est très préoccupante », a raconté la représentante de l’ACAG.

Lueur d’espoir

Bien que le tableau soit sombre en ce moment, une petite lumière surgir au fond du couloir. La crevette nordique étant en chute libre depuis quelques années sur les marchés mondiaux, voilà que le tristement conflit Ukraine-Russie pourrait peut être changer la donne. « En ce moment, on assiste à un boycott généralisé des produits en provenance de la Russie et ça implique aussi la crevette. Nous souhaitons que le marché du Royaume-Uni sera salutaire pour notre crevette et aura des effets bénéfiques au niveau du prix. Mais pour le moment, nous ne faisons que spéculer », mentionne Éda Rousel.

Redonner ses lettres de noblesse

En conclusion, elle formule le souhait que l’industrie reprenne force autant sous l’eau que sur les marchés. Elle dit souhaiter également que la pêche à la crevette reçoit tout le crédit qu’elle mérite au sein de la population. « Il est vrai, dit-elle, que la pêche au homard et aux crabes des neiges est importante sur le plan économique et social mais il en va de même pour la crevette. Ne perdons pas de vue que cette pêche est un pan important de notre économie. En temps normal, la saison des crevettiers s’étale du 1er avril au 31 décembre et fait travailler bien du monde dans nos deux usines de transformation (Produits Belle Baie Ltée à Caraquet) et l’Association coopérative des pêcheurs de l’île Ltée à Lamèque). La crevette, cette perle rose est un délice. Elle mérite d’être mieux reconnue. »
La santé de la ressource est remise en question en ce moment. Deuxième interrogation : comment va se comporter notre crevette nordique sur les marchés mondiaux? Il y a un peu de soleil à l’horizon du côté du Royaume-Uni.